Représentation de Aurore Castan-Aïn
I. Biographie.
Aurore Castan-Aïn est une danseuse et chorégraphe troyenne. Elle a été formée au conservatoire de Troyes. C'est une artiste engagée avec sa compagnie Kalijo qui s'appuie sur des disciplines différentes comme la danse, le cirque ou même le théâtre. Cette compagnie dénonce et questionne des sujets différents qui sont toujours humains pour franchir les tabous de la société comme le handicap, la vieillesse et le harcèlement avec la chorégraphie Marions(s) réalisée en 2018.
Aurore Castan-Aïn nous a présenté deux extraits de chorégraphie en fauteuil roulant.

II. Analyse de Une dernière valse (2012).
Cette chorégraphie traite le thème de la mise sous tutelle des personnes âgées, lorsqu'un juge trouve que la personne n'est plus en capacité de se gérer seule et qu'elle doit être aidée.
Au début de cette prestation, Aurore Castan-Aïn est posée sur son fauteuil et avance de gauche à droite, elle a l'air perdu dans ses pensées. Progressivement, on perçoit une dégradation du corps et des gestes. Comme si elle perdait la tête et que le fait d'être sous tutelle l'empêchait d'être maître d'elle-même. L'univers sonore est constitué d'extraits d'interview de personnes âgées qui parlent de leur mise sous tutelle et de ce qu'ils ressentent, dans ces moments là, elle reste sur son fauteuil comme si tout était normal, qu'elle vivait plutôt bien le fait que quelqu'un allait gérer sa vie. Il y a aussi de la musique calme, presque enfantine, on a l'impression que pendant ces parties là, elle oublie le fonctionnement de son corps, elle ne sait plus comment avancer correctement ou même bien se tenir sur son fauteuil. Cependant, il y a aussi des moments de vide sonore, sans aucune musique, où on entend simplement le bruit de sa respiration et des mouvements, elle donne l'impression d'être devenue folle, elle nous fixe, se rapproche beaucoup du public et provoque en nous un sentiment de peur.
Son fauteuil roulant devient véritablement son partenaire de danse, ils dansent ensemble, se portent mutuellement et se mettent en valeur, quelques fois, ils ne font plus qu'un, on ne voit plus la distinction entre son corps et le fauteuil. Ils ne vont pas l'un sans l'autre même si elle essaye de s'en détacher, elle se rend compte qu'elle ne peut pas, qu'elle a besoin de lui pour avancer malgré tout, même si elle se sent prisonnière, comme prise au piège.

III. Analyse de Memb'oo !(2014).
Le second extrait chorégraphique traite de la sexualité des personnes âgés. Aurore Castan-Aïn danse toujours avec un fauteuil roulant. Au début de cette chorégraphie, elle est vêtue d'une longue robe noire, de chaussettes et d'un gilet, elle est très couverte. Elle cache le plus possible toutes les parties de son corps, elle ne veut pas se montrer, on ressent une certaine pudeur, comme une peur de se montrer et surtout une peur de se faire juger. Elle montre une certaine souffrance sur un fond sonore très particulier, il est très vide, comme des ondes sonore, un bruit très lointain mais prenant tout de même, à certains moment, on entend une femme parler de ses relations sexuelles, de ses pulsions. Au fur et à mesure que la chorégraphie avance, elle se découvre, enlève son gilet et ses chaussettes, elle adopte des gestes beaucoup plus féminin, séducteur, sur un air de mambo. Elle va même danser un mambo avec son fauteuil. Elle finit par nous dévoiler complètement son corps, se retrouve en sous-vêtements et traduit par ses gestes un air beaucoup plus serein, libérer et vivant. Elle présente son fauteuil roulant une nouvelle fois comme son partenaire en dansant véritablement avec. Elle lui offre une totale confiance en se jetant dessus. Cependant elle finit par démonter son fauteuil qui devient inutilisable. A ce moment là, elle se dévoile complètement, elle devient libre et épanouie. La chose qui l'empêchait de vivre sa sexualité comme les autres est réduite en morceaux pour laisser la place à une nouvelle vie. Le propos chorégraphique et la cause soutenue sont mis en valeur, ils sont au cœur de la chorégraphie. Ils nous touchent, nous font réaliser et nous sensibilisent à ce dont nous ne parlons pas assez, le tabou est oublié.
